Depuis fin 2020, Mathilde Raphalen est en charge d'accompagner les adhérents de l’UBHPA* dans leur transition écologique. Cette mission s’inscrit dans un partenariat avec l'Ademe dans le cadre du Plan Camping Durable dont la Bretagne est pilote. En attendant le salon IODE qui propose notamment un parcours éco-tourisme identifiant les exposants susceptibles d’apporter des solutions en faveur des transitions, nous avons rencontré Mathilde pour évoquer son action au quotidien, au service de ses adhérents et des transitions écologiques.
« J'accompagne les campings volontaires dans l’état des lieux de leur consommation d’énergie, d’eau et de leur production de déchets ». Sur cette base, Mathilde établit un plan d’action intégrant des critères de priorisation et accompagne les gérants dans la mise en œuvre pratique et concrète des actions correctives : recherche de prestataires, comparaison de devis, recherches d’aides et de financements, suivi des résultats de ces actions en comparaison avec l'état des lieux initial. Dans ce cadre et sur la base d’éléments tangibles, une communication sur les engagements du camping est possible afin de valoriser la démarche auprès notamment de la clientèle.
LES ENJEUX LIÉS AUX TRANSITIONS ÉCOLOGIQUES
Pour Mathilde, « les enjeux sont multiples et le premier est économique pour la maîtrise des coûts : l’eau, l’énergie et les déchets constituent des charges pour les campings. »
Un autre enjeu est réglementaire : la réglementation évolue en intégrant dans de nombreux textes une dimension écologique. « Dans le contexte actuel, tous les nouveaux projets portés par les campings doivent intégrer une démarche environnementale. »
La dimension sociétale est également importante, notamment en ce qui concerne le recrutement puisque « 65% des jeunes se disent prêts à renoncer à une offre d'emploi si elle n’est pas suffisamment en phase avec le respect de l’environnement »[1] Les difficultés de recrutement dans la filière touristique sont telles que le critère de l’engagement des employeurs en faveur du développement durable ne doit pas être négligé : « dans une logique de marque employeur, tout le travail réalisé par les campings permet d’alimenter une stratégie RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) avec des indicateurs mesurés et fiables pour prouver leur engagement ».
Enfin l’enjeu environnemental est évidemment à prendre en compte pour que le secteur de l’hôtellerie de plein air participe à sa mesure aux transitions nécessaires à un développement plus durable : « nous sommes tous concernés et les campings font leur part, de plus en plus nombreux à se poser ces questions d’autant que leur raison d’être intègre naturellement ce lien à la nature sur des espaces de plein air ». L’enjeu commercial pour attirer de nouveaux clients reste encore à conforter et l’évolution est palpable : « nous espérons que la conscience collective évoluera en ce sens pour que la clientèle des campings se positionne en consom’acteur de ses vacances ».
« Dans les faits, les raisons d’engagement des gestionnaires dans le Plan Camping Durable sont à niveau égal liées à la protection de l’environnement et à la maîtrise des coûts ».
QUELLES SOLUTIONS CONCRÈTES POUR S’ENGAGER DANS LES TRANSITIONS ?
Consulter le parcours éco tourisme du salon Iode > les solutions des exposants
Par exemple, on pourra couper le chauffage à distance dans un mobil home en détectant l’ouverture d’une fenêtre ; couvrir les piscines pour maintenir la température en dehors des périodes d’utilisation ; isoler les réseaux d’eau chaude pour éviter la déperdition de chaleur… « On est ici dans une démarche de sobriété énergétique pour réduire et organiser des consommations d’énergie, et pour celle dont on ne peut pas se passer, le recours aux énergies renouvelables et une autre étape, grâce notamment aux panneaux solaires : une solution en phase avec la temporalité des besoins en été. »
D’autres initiatives voient le jour pour aller encore plus loin, comme par exemple la récupération de chaleur des eaux usées qui peut être convertie en chauffage. « L’innovation est en marche sur toutes ces questions et de nouvelles solutions seront développées, c’est certain ! »
Concernant les économies d'eau, le raisonnement est le même que pour les énergies : la première étape est le pilotage pour suivre la consommation et identifier d’éventuelle fuites. En second lieu, on travaille à limiter les consommations et à recourir aux équipements les plus hydro-économes possibles. « On travaille aussi avec les gérants de campings sur d’autres solutions, selon leurs possibilités : minuterie pour la douche, récupération de l’eau de pluie… » Là encore, des évolutions sont en cours pour développer d’autres réponses : la réutilisation de l’eau des douches pour alimenter les WC ou de celle des piscines pour l’arrosage après filtration sont à l’étude ou en cours d’expérimentation.
Le tri à la source des biodéchets et leur valorisation est un autre enjeu avec une obligation légale au 1er janvier 2024. L’impact financier est également à prendre en compte ici : les biodéchets représentent jusqu’à 38% des ordures ménagères dans les campings donc leur valorisation sur site induit potentiellement 38% d'économie sur le poste de collecte des ordures ménagères. « Pour inciter les vacanciers à faire le tri et à s’impliquer, puisqu’ils sont directement mis à contribution, il s’agit de leur faciliter la tâche et de les « embarquer » aussi dans la démarche : la fourniture de bio seaux est indispensable pour faciliter le tri et faciliter le transport vers les zones de compostage ». Une information pédagogique dédiée à la démarche est également nécessaire pour une sensibilisation optimale, qui ait du sens.
Le tri des bio déchets et leur compostage, avant réutilisation sur site pour les plantations, ont cet avantage que c’est un engagement très visible pour les vacanciers et aussi pour les équipes, et très concret. « On observe un effet vertueux, comme si faire attention au tri des bio déchets, avec tout ce que ça induit, implique de faire attention à tout le reste : si ici on veille à l’environnement, alors moi aussi je vais y veiller ».
Au-delà de ces 3 postes clés que sont l’énergie, l’eau et les déchets, d’autres actions peuvent être mises en place. « Je pense par exemple à l’installation de bornes de recharges pour véhicules électriques : là encore, une obligation réglementaire devrait voir le jour d’ici 2025 et l’enjeu environnemental dans notre secteur d’activité est particulièrement important puisque 70% des GES (Gaz à Effet de Serre) dans le secteur du tourisme viennent du transport ». L’enjeu de sécurité n’est pas négligeable non plus pour éviter des branchements sur des prises classiques de mobil homes, pas adaptées.
Concernant la mobilité sur le lieu de vacances, il est important de sensibiliser les vacanciers aux solutions de mobilité douce offertes par le territoire. « L’affichage en bonne place d’une carte précisant les lignes de bus, les voies ou itinéraires réservés aux vélos, les lieux de location de vélo, les temps de trajets vers des sites ou services de proximité à pied ou à vélo… sont autant de messages qui peuvent inciter vos clients à laisser leur voiture sur le parking. » Un partenariat avec un acteur local de location de vélo peut être un vrai plus pour disposer des vélos directement sur place et faciliter la démarche. « Pensez aussi à mettre des vélos à disposition des saisonniers qui logeraient en proximité : une attention bienvenue qui peut faire la différence sur le recrutement ! »
Pour les cyclistes en itinérance, le label Accueil Vélo pourra également être demandé selon certaines conditions pour attester de la qualité de l’accueil qui leur est réservé en développant un accès à des équipements adaptés (abri vélo sécurisé, kit de réparation…), des informations et conseils ou des services dédiés.
Du côté des équipements d’hébergement, la qualité de l’isolation doit être un critère : le chauffage est en Bretagne le premier poste de consommation d’énergie et l’isolation impacte aussi sur le besoin en climatisation, également énergivore. L’éco-conception générale des équipements doit pouvoir être étudiée.
Parmi les fournitures nécessaires au bon fonctionnement d’un camping, on trouve également les produits de nettoyage : « là encore, la phase d’audit est essentielle : faire le point sur les produits utilisés et leur réelle utilité. Je préconise aussi de recourir à des produits bénéficiant à minima de l’écolabel européen ». Pour limiter les déchets liés aux emballages, on peut également avoir recours à des bibons rechargeables ou à des solutions de dilution. Concernant l’offre alimentaire, l’idéal est de se fournir en local, avec des produits de saison, et Bio si possible, « mais la démarche peut être plus complexe ici car la restauration n’est pas le premier métier du gestionnaire de camping. » Une attention particulière doit également être portée sur les déchets générés par une offre snack et des contenants réutilisables doivent être privilégiés.
ENGAGEMENT DES FOURNISSEURS : QUELLES GARANTIES DEMANDER ?
« Il est difficile de répondre simplement à cette question car selon les prestations, les engagements et les garanties associées sont très différents. Il faut surtout demander à vos fournisseurs quels sont leurs engagements de manière générale, sur les 3 piliers du développement durable (économique, écologique, social). L’origine des matières premières, les matériaux utilisés, le lieu de fabrication, les informations liés aux transports… sont autant d’éléments qui peuvent orienter votre choix. Et n’oubliez pas de faire preuve d’esprit critique pour évaluer les allégations qui vous sont présentées ! »
Découvrez les exposants inscrits au parcours éco-tourisme
*Union Bretonne Hôtellerie de Plein Air
[1] Les jeunes et la prise en compte des enjeux environnementaux dans le monde du travail - Enquête Harris Interactive pour « Pour un réveil écologique » - 28.03.22